1939-I945deuxième conflit mondial. On se bat en Europe, en Afrique, en Asie, sur toutes les mers du globe. Partout, dans les terribles parties qui se livrent, l’aviation est grande meneuse de jeu. Nulle part, la victoire n’ira sans sa victoire. Elle est devenue l’arme la plus décisive ; la plus dévastatrice, aussi. Dans la mémoire des hommes, les débuts de l’aviation combattante remontant à la « Grande Guerre » de 1914-1918 se sont peu à peu ramenés à une seule image : celle de quelques archanges ailés, s’affrontant en duel, là-haut, dans le champ clos du ciel. Guynemer face à Richthofen, pareils aux héros de l’Iliade. Ce souvenir, auréolé d’azur et de légende, est plus tenace que celui des trois cent vingt « marmites » lâchées en 1918 sur Paris par les « gothas » allemands. Un quart de siècle plus tard, l’humanité mesurera d’emblée les progrès fantastiques des forces de l’air. Progrès en vitesse, en maniabilité, en puissance. Progrès, si l’on peut dire, dans le pouvoir d’extermination. L’effort des savants et des techniciens vise à la finesse toujours plus poussée des lignes, au perfectionnement inlassable de la mécanique. Les avions de chasse et certains chasseurs-bombardiers volent à 700 km. à l’heure. Les moteurs peuvent atteindre 2.200 CV. Grâce à la capacité sans cesse accrue des appareils transporteurs, des masses immenses d’effectifs et de matériel sont amenés d’un continent à l’autre par une voie plus rapide et moins périlleuse que les routes maritimes. Miracles de la production, pour laquelle aucune dépense n’est jugée trop lourde, à quoi tout est subordonné : en 1944, un avion quittait les États-Unis en moyenne toutes les dix-sept minutes. Le rôle de l’avion dans la bataille a, lui aussi, complètement changé. Du temps des premiers « zincs » militaires, la mission de ceux-ci se bornait à des reconnaissances guère plus lointaines que celles incombant, à terre, aux détachements de cavalerie ; ils aidaient l’artillerie en repérant les ors, en photographiant les batteries adverses, en réglant le tir. À partir de 1940, ces interventions épisodiques se sont transformées, pour l’avion d’assaut, en un corps à corps quotidien avec les blindés ennemis. Constamment présent sur le front, l’avion « tactique » est devenu lui-même un « chasseur ». Audace des inventions scientifiques, maîtrise des constructeurs... Des centaines d’appareils, en plein océan, s’élancent de la plage de lancement des gigantesques porte-avions ; ainsi leur réserve de carburant, qui conditionne leur temps de vol, ne s’épuise pas en longs voyages, sert tout entière au combat. Le « Blackburn " anglais emporte dans le Pacifique une véritable torpille marine, destinée à la destruction des forces navales de l’ennemi. Les Japonais confient « l’avion-suicide » à des pilotes d’une abnégation fanatique, qui iront se jeter sur un vaisseau adverse. Dès août 1939, apparaît l’avion à réaction, lequel sans pistons ni hélice, poussé et non tiré se vrille comme une fusée dans les hautes altitudes. En 1944, le prodigieux système du radar est développé à ce point que les pilotes voient s’inscrire sur un écran le paysage survolé dont les séparent d’épais nuages. Progrès fabuleux de l’aviation... Ne devrions-nous pas les maudire plutôt, quand nous nous souvenons ?... Car tel, ici-bas, est le retour des choses. Durant des siècles, l’homme a rêvé de vaincre la pesanteur, de conquérir l’espace. Mais à peine y était-il parvenu, à peine avait-il tracé les premiers sentiers du domaine céleste, que ses propres ailes l’ont écrasé. L’avion, instrument merveilleux sorti de nos mains, s’est retourné contre nous, lâchant la foudre dont nous l’avions chargé. Il a piqué en hurlant, mitraillé civils comme soldats, détruit les cités, semé l’incendie et récolté la mort. Et nous, éternellement semblables à l’apprenti-sorcier, nous avons dû nous défendre contre notre oeuvre imprudente, il nous a fallu creuser le sol, nous y terrer comme des bêtes apeurées. L’aviation, arme de génie, machine de torture. Devant ses merveilles, devant ses hideurs, restons-nous finalement admiratifs ou révulsés ? Il en va de la conquête de l’air comme des autres victoires humaines sur l’Univers. Pour la désavouer, l’homme devrait se renier lui-même. or, jamais il n’y consent. Il a voulu dompter les éléments : tour à tour la terre, la mer et le ciel ont été soumis à sa volonté. Mais, à leurs heures de revanche, la terre, la mer, le ciel ont secoué le joug, déchaîné de furieuses représailles. L’homme n’en a point perdu l’orgueil de ses découvertes ni la foi dans ses entreprises. Et puis, s’il subsiste une parcelle de beauté dans cette laideur qu’est la guerre, elle s’est réfugiée dans l’aviation. Au-dessus des mêlées où les fantassins allaient aveuglément au massacre anonyme, collés au sable et à la boue, les aviateurs se rencontraient à armes égales, grisés d’horizon, libres encore de leurs mouvements dans la servitude du combat ; ils luttaient, pourrait-on dire, les yeux dans les yeux. Le présent album retrace l’histoire, de 1939 à 1945, des aviations allemande, américaine, anglaise, française, italienne, japonaise et russe. « La technique, la science, les archives sont choses imperméables à la rancune », note très justement l’aviateur-écrivain français Pierre Clostermann dans sa préface au livre « Pilote de Stukas » de l’as allemand Rudel. Par celui-ci, nous apprenons que, fait prisonnier après la capitulation du Reich, il fut soigné à l’intervention du group-captain Bader, héros de l’aviation britannique. C’est que, comme l’écrit encore Clostermann, l’homme vêtu de kaki, de bleu horizon ou de feldgrau, retrouve toujours l’étincelle de la bravoure, de la solidarité, du dévouement... Ne faites donc pas trop attention si, sur les dessins où il apparaît ici, Tintin porte des uniformes très divers. La couleur de la tunique n’a qu’une valeur documentaire. Ce qui compte, c’est le cœur qui est à l’intérieur. Et ce cœur bat en l’honneur de tous les courages, pour la paix entre tous les hommes. |