1842. Le Corse, aviso à hélice (France)

 

L’APPLICATION de l’hélice allait achever de faire du bateau à vapeur un véritable navire de guerre, supplantant le navire à voile, jusque-là souverain absolu des mers. En France, deux hommes conjuguèrent leurs efforts : SAUVAGE, un des inventeurs de l’hélice, et NORMAND, constructeur au Havre. Tout alla bien jusqu’au jour où il fallut décider de la forme de l’hélice ; SAUVAGE la voulait pareille à une vis, NORMAND la concevait comme celles qui équipent les navires aujourd’hui, c’est-à-dire à pales distinctes. Le second, par bonheur, s’obstina. Faute de l’accord du ministère de la Marine pour la construction d’un navire à vapeur et à hélice, il obtint celui du ministère des Finances. Le contrat d’achat stipulait que le bateau, un aviso destiné aux traversées postales entre Marseille et la Corse, devrait atteindre la vitesse de huit n’uds minimum, faute de quoi le projet serait abandonné. NORMAND accepta de prendre le risque et le 11 décembre 1842 un navire de 350 tonneaux, équipé d’une machine de 120 chevaux due à l’ingénieur anglais BARNES, sortait des chantiers du Havre et recevait le nom de Napoléon. Aux essais, il atteignit la vitesse de dix n’uds quatre dixièmes, soit deux n’uds et demi de plus que les corvettes à roues contemporaines. Ce premier navire à hélice destiné à sillonner les eaux françaises remporta aussitôt un très vif succès et détermina l’adoption de l’hélice dans la Marine française. Non seulement NORMAND avait rempli son contrat, mais il avait su donner à la carène du Napoléon des formes d’une très grande élégance, très effilées et parfaitement adaptées au nouveau système de propulsion. De plus, le navire marchait aussi bien à la voile qu’à la vapeur grâce à son gréement de brick goélette à trois mâts. Après la Révolution de 1848, le Napoléon prit le nom de Corse. Il assura effectivement le service postal entre la France métropolitaine et l’île à laquelle il devait son nouveau nom, puis fut racheté par la marine. Quarante-sept ans après son lancement, le Corse naviguait encore et réalisait aisément une vitesse de 9 n’uds.