1815. Vapeur l’Elise (France)

 

LES mérites de la marine à voile n’étaient pas seuls à freiner l’adoption de la vapeur. Il fallait aussi vaincre les réticences de l’opinion publique. C’est pour frapper celle-ci que le Français Pierre Andriel avait imaginé cette performance sensationnelle : la traversée de la Manche par un bateau à vapeur ! Avec ses associés, il acheta en Angleterre un petit navire, la Margery, qu’il rebaptisa l’Élise. C’était un bâtiment de 70 tonneaux, mesurant 21 m de long et pourvu d’une machine de 14 CV seulement. Andriel partit de Newhaven le 17 mars 1816, en plein équinoxe. La mer était grosse, le bateau peinait beaucoup. À minuit la tempête faisait rage, causant à l’équipage une telle frayeur qu’il voulut rebrousser chemin. Sous la menace d’un pistolet et avec promesse de trois bouteilles de rhum au premier qui signalerait la terre française, le capitaine parvint à rétablir l’ordre ; et pourtant, il n’était – comme il l’a raconté plus tard – guère plus rassuré que ses hommes !... Enfin, après maintes autres péripéties, l’Élise entrait au Havre. La première traversée de la Manche à la vapeur avait duré 18 heures. Le navire remonta la Seine et, le 28 mars, arriva à Paris en présence d’une foule immense. Les deux petits pierriers installés à l’avant saluèrent le roi Louis XVIII en passant devant les Tuileries. Après quelques jours consacrés à des démonstrations, l’Élise redescendit la Seine jusqu’en Normandie, où ses propriétaires l’affectèrent au passage entre Rouen et Elbeuf ; mais l’entreprise ne connut pas la prospérité qu’elle aurait méritée. Cette première traversée de la Manche fut suivie la même année du premier trajet de Douvres à Calais par le Majestic, avec 200 passagers à bord. Les services réguliers ne commencèrent qu’en 1821 avec le petit vapeur anglais Rob Roy que le gouvernement français acheta en le rebaptisant Henri IV. Quatre autres bâtiments français complétèrent le service de poste et passagers. Ils effectuaient la traversée Douvres-Calais en 2 heures et 45 minutes par beau temps. Par la suite, les Anglais assurèrent la liaison vers Ostende, Amsterdam, les pays scandinaves et la Baltique.