1838. Le Sirius (Angleterre)

 

LES pionniers de la navigation à vapeur s’étaient obstinés dans leur idée, malgré toutes les objections qu’on leur opposait : « Le vent ne coûte rien, le charbon coûte cher... Il prend de la place, et la machine aussi, au détriment du fret... Traverser l’Atlantique à la vapeur ’ Projet aussi chimérique que de vouloir aller dans la lune !... » Ainsi parlaient les gens, et parmi eux il y avait des marins et même des savants. Mais ces fausses raisons et ces sarcasmes n’arrêtaient pas la construction de bateaux à vapeur. Le petit vapeur Sirius, commandé par le capitaine Roberts, partit de Londres avec 94 passagers ; il fit escale à Cork d’où il appareilla le 5 avril 1838. Il emportait 453 tonnes de charbon et 53 barils de résine également destinés à servir de combustible. À mesure que celui-ci diminua, la vitesse s’accrut. Il diminua même tant qu’il fallut brûler tous les agrès de rechange pour atteindre le bout d’un voyage que l’équipage considérait comme une folie, au point qu’il se serait mutiné sans la ferme autorité du commandant. Le 26 avril au matin, après dix-huit jours et demi de traversée, le Sirius entrait dans le port de New York pavoisé et noir d’une foule immense. C’était le premier bateau à avoir effectué la traversée de l’Atlantique entièrement à la vapeur. À peine avait-il jeté l’ancre qu’un autre vapeur faisait son apparition : le Great Western. Parti de Bristol le 8 avril avec 7 passagers seulement, il avait effectué la traversée en quinze jours. À l’arrivée, il lui restait 150 tonnes de charbon sur les 800 emportées. L’enthousiasme redoubla. L’opinion comprit qu’une grande victoire venait d’être remportée. Le Sirius rentra en Angleterre en 18 jours, mais après un autre voyage il fut considéré comme trop petit et retiré. Le Great Western, par contre, fut vraiment le premier navire à effectuer un service transatlantique régulier. En 1840, il comptait déjà 17 voyages complets, dont un retour en 12 jours et 6 heures. Sa moyenne était de 16 jours 12 heures pour l’Ouest et 13 jours 9 heures vers l’Est, soit deux fois moins de temps que le meilleur voilier.