L’HISTOIRE DE LA MARINE – de 1700 à 1850
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1780. Le Bienfaisant (France)

 

UN homme de génie, un Français, allait bouleverser ces habitudes et renouer avec les principes, si longtemps oubliés, de l’illustre RUYTER. Comme son fameux prédécesseur, SUFFREN recherche d’abord l’offensive et la destruction de l’adversaire. C’est aux Indes, avec son escadre de cinq vaisseaux, que SUFFREN, Bailli de l’ordre de Malte (et dont on a dit qu’il fut le plus grand homme de mer que la France ait connu), met en pratique ses conceptions totalement opposées aux règles sacro-saintes de la ligne de bataille. Mais, comme c’est souvent le lot des novateurs, il est mal compris et ne pourra jamais donner toute sa mesure. Plus tard, l’Anglais NELSON reprendra ses leçons à nos dépens. Si l’armement des vaisseaux avait été augmenté, les calibres étaient toujours les mêmes : canons de 36 dans les batteries basses, de 24 et de 12 dans les deuxième et troisième batteries, de 6 ou 8 pour les gaillards. Ces canons étaient de bronze vert (bronze de cuivre) ou de fonte noire (fonte de fer). Les boulets pleins qu’ils lançaient de 400 à 800 mètres pesaient de 8 à 36 livres ; ce dernier poids ne pouvait être dépassé, étant donné que toutes les manœuvres de chargement s’effectuaient à la main. La mise à feu se pratiquait toujours à l’aide d’une mèche. Pour le pointage, la technique française consistait à tirer quand le navire ennemi se relevait au roulis, en cherchant à atteindre les mâts. On comptait sur le fait que le vaisseau, touché dans sa mâture, serait immobilisé, à la merci des éléments ou d’un abordage. Les chutes de gréement pouvaient être catastrophiques : songeons, en effet, que sur les grands vaisseaux comme le Bienfaisant certaines poulies mesuraient plus d’un mètre de haut et que certains cordages, tel le grand étai, pesaient jusqu’à 30 kilos au mètre. Heureusement, le chargement des pièces étant très long, le tir était lent et tous les coups ne portaient pas.